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Lecture ULB La Cambre – Concrete vs Wood
14 décembre 2023
PARTIE 1
« Béton versus Bois » Pourquoi ?
Hors, le contexte de cet atelier, cette « question – titre » paraîtrait pour un bâtisseur, un peu limitée.
Il n’y a heureusement pas que ces deux matériaux.
Ni ce seul paramètre « du choix de la matière », pour apprécier la pertinence de la présence, de l’un ou de l’autre dans un édifice.
Ces paramètres ou critères sont dans l’ordre d’apparition dans la conception d’un programme immobilier :
La Fonction (soit le programme),
la Forme,
Les Matériaux en trois (seulement !)
Et enfin plus récemment, La Flexibilité (qui couvre la durabilité).
Mon intervention dans votre atelier est strictement limitée à l’intitulé.
Je n’ai pas de propos techniques structurelles à vous offrir. Je laisse cela aux spécialistes.
Encore que, sur les méthodes de calcul pour le dimensionnement de ces deux matériaux, il y tellement de « mesures de précautions et autres réserves conservatoires », que le sujet mérite une réflexion en soi. Tellement les conséquences de ces calculs affectent nos conceptions et leurs économies en général.D’où vient ce récent ostracisme pour le béton ?
D’abord, je pense, d’une confusion sémantique entre :
– L’usage du béton, relevant de l’Architecture et ;
– La bétonisation, relevant de l’Urbanisme.
Cette notion étant largement plus répandue dans les médias et intelligible par le grand public, le raccourci a été vite franchi.
Béton mal – Bois bon !Il n’y a pas comme déjà dit, que le béton et le bois dans les constructions. Le verre, l’acier, la terre, les non-ferreux, les pailles, les plastics et synthétiques et j’en passe ont une part belle dans la construction.
Opposer seuls le béton au bois n’est donc pas suffisant. Leurs usages combinés jusqu’il y a peu ne faisaient d’ailleurs pas question.
Pour autant j’insiste que dans les ouvrages remarquables, l’un ne prenait pas le pas sur l’autre. Mais que l’un sublimait l’autre. Et nous avons la chance que Bruxelles en particulier regorge d’exemples de ces réalisations.Il y a fallu l’émergence du GREEN BASHING et de l’entrée en bourse des forêts (les pellets, IKEA) pour que cette question devienne majeure au niveau mondial.
Il est impossible de juger de la pertinence d’un matériau utilisé de façon extensive à moins de cinquante ans, soit le cycle de vie d’un bâtiment. C’est ce que nous préconisent avec raison, les bureaux de contrôles et nos assurances. Soyons donc prudents vu le peu de recul que nous avons sur les produits transformés à base de bois ou autres, je ne fais pas d’exclusive.
Nos climats tempérés, soit avec fortes averses et ensoleillements alternés, conviennent assez bien à ces matériaux composites durs.
C’est pourquoi, je reste optimiste pour l’avenir de l’usage « des » bétons et suis convaincu qu’il s’agit d’un épiphénomène aux effets balancier.Probablement aussi, du fait que le béton est là depuis si longtemps et a été si souvent mal traité dans sa mise en œuvre (acier non assez enrobés, mélanges douteux, décoffrages trop rapides, absence d’entretien), que les réalités pour lesquelles l’usage du béton est incontournable sont passées un peu rapidement à la trappe.
Quelles sont-elles ?
1°. Les lois européennes vivement relayées par nos gouvernements régionaux compétents en matière d’urbanisme obligent à la « non-déconstruction ».
Mais notre patrimoine est essentiellement constitué d’ouvrages à base de béton. Ces immeubles font l’objet de réaffectations importantes. Peu, et à part leurs façades, se prêtent à un autre moyen constructif.2°. Sa préfabrication offre une connaissance du produit, avec tests à l’appuis, qui permet de limiter au mieux les marges de sécurité et donc une économie de matière.
3°. La recherche industrielle investit de longue date dans l’énergie grise autour du béton puisque c’est un matériau largement répandu et donc rentable. Ainsi, la récupération des aciers en limaille pour faire des batteries, des ciments pour les infrastructures, … sont des procédés en place qui peuvent compenser en termes de durabilité et circularité l’usage de l’Eau.
Un autre aspect de durabilité à l’avantage du béton est sa proximité de fabrication.Et inversement, les bois versus les bétons ?
Ils présentent les avantages d’un matériau « naturel ».
Soyons précis. Il n’est pas un produit artificiel comme le béton, mais à part de rares cas de bois exotiques, il subit quand même des transformations importantes pour pouvoir être utilisé dans la construction.
En préfabrication pour l’ossature de maison, ou de structure en lamellé collé ; est-ce encore du bois ou un béton qui ne dit pas son nom ?
Son usage n’est pas une panacée.Il reste quelques questions : l’accessibilité aux essences, la vérification de la qualité d’une souche, la maintenance, l’intégration des techniques contemporaines, la gestion des coûts.
Architecturalement, la mise en valeur par la visibilité des articulations, des assemblages, des fils, des textures est enrichissante.Pour une architecture de voiles et tissus, j’irai voir ce qui s’est fait au Moyen Orient. Même les aéroports ou stades ultra-modernistes sont inspirés du savoir-faire de leurs origines nomades.
Pour les références en bois, j’hésiterais entre l’Europe centrale du Moyen-Âge, qui a puisé dans ses forêts pour les charpentes de ses cathédrales, et l’Asie qui a une expérience millénaire des bois et bambous du fait de l’anticipation par rapport aux tremblements de terre.
Enfin, nous nous souviendrons que les pyramides égyptiennes, qui symbolisent l’éternité, sont faites de cubes de béton. Parce qu’il y avait de l’eau (Nil), du sable et de la pierre à concasser dans les colonies. Que l’énormité de l’ouvrage sans moyen de levage obligeait une mise en œuvre à la pièce avec un mélange sur site.
Est-ce différent de nos contraintes ?
Ces références ne sont pas moins pertinentes que celles prises dans les derniers magazines d’architecture !Pour éliminer d’autres aspects à la mode (environnement & liberté), pour ne citer qu’eux, évoquons :
1, La durabilité, la circularité, l’économie d’énergie, … qui sont prétextes à une multiplicité de lois et taxes. Et donc influent sur les choix entre autres des matériaux.
Quoique nous pensions, le bois connait les problèmes de transports, de colles d’assemblage, d’énergie de séchage, etc. Et le béton, ceux de l’appauvrissement des fonds marins pour les sables, des énergies de fabrication, du réemploi, … entre autres. Les deux de l’exploitation des ressources en eau.
Tous éléments de variations de nos biotopes et climats aussi graves, en fait, que la pollution par l’énergie fossile directe.2, La Liberté de conception, qui ne peut s’apprécier uniformément. Elle dépend de votre connaissance intrinsèque du matériau. De sa chimie, de sa physique, voire de son histoire de vie.
Une première conclusion, s’il peut y en avoir une après une si brève analyse !
Nous pouvons reproduire avec le matériau « bois » exactement les mêmes erreurs urbanistiques ou sociologiques qu’avec le béton (surdimensionnement des TS / M², densification et zonage, …).
En pire, vu la rapidité d’exécution et le discours de bienséance. Voir les tours qui se construisent avec exactement les mêmes questions des catastrophes sociales et technologiques de ce qui a été fait dans les années soixante, mais avec l’excuse que ce sont des performances en construction-bois.Le matériau à utiliser, pour autant que faire se peut, pour des raisons de bon sens, est toujours celui présent sur le site, simplement parce qu’il est origine du sol et du climat
PARTIE 2
Aujourd’hui, vous avez choisi d’user du béton pour concevoir. Ou pour le moins tenter l’expérience.
Comme dit en première partie, je laisserai aux autres apprécier les dimensionnements et autres réalités de stabilité.
Par contre, je resterai attentif à la façon dont vous aurez abordé l’APPARENCE .
Je précise. « Abordé ».
Car c’est un état d’esprit de se marier avec un matériau. Cela commence avant : de connaître, d’apprécier, de reconnaître, de comprendre, d’accepter.Vu ce qui vient d’être dit, le béton est bien un matériau historique, complexe, polémique, performant, vivant, à haute valeur ajoutée.
En cela il a le droit acquis comme les autres matériaux à apparaître pour ce qu’il est en utilité et aspect dans nos édifices.
L’apparence, l’honnêteté de la présence des matériaux dans l’ouvrage est une question de traitement pertinent pour tous les matériaux mais encore plus pour le béton.
Sachant que, par nature, seul le reliquat de son coffrage qui fait son apparence, donc de son exosquelette, n’est plus présent dans le résultat final.
D’où, le soin à apporter au dessin des coffrages souvent oubliés.
Je ne conçois pas d’approuver un projet d’ouvrage en béton apparent sans étudier son plan de coffrage. Car celui-ci va définir la vraie apparence finale par sa texture, ses joints, etc.Vu que par nature, le béton armé dissimule la structure en acier qui le supporte, le coffre doit faire comprendre le système, l’orientation des efforts par ses articulations, ancrages, … jusqu’à la déformation ou l’extrapolation.
Faites transparaître le sens des efforts plutôt que l’enrobage.En conclusion, une dernière réflexion
« ORNEMENTATION IS A CRIME» dixit l’architecte Austro-hongrois Adolph LOOS en 1913.
Même si sa démonstration repose sur des bases éthiques extrêmement discutables, elle a été reprise en 1920 par Le Corbusier un peu plus scientifiquement. Donc, nous n’inventons rien en nous posant la question de l’apparence.
Mais nous devons nous la re-re-re poser autrement en fonction de ce qu’il y a déjà un siècle depuis ce dictat, de l’internalisation des modes de vie, des moyens de calcul performants et surtout, de la perte des signifiants et symboles intégrés à l’architecture.
Il y a peu, j’évoquais dans l’analyse d’architecture, la notion de Poésie. Une étudiante m’a interpellé sur « comment fait-on de la poésie en architecture » ?
Avant que vous ne me reposiez cette question difficile, voici mon sentiment pour le béton.
1 M² (ou 1 M³) doit se manifester soit énormément plus soit pour infiniment moins.
En fonction de la forme, la disposition, la mise en œuvre, … Si l’on se contente de l’évidence qu’un M² ou un M³ correspond bien à ce qu’il est, il ne révèle rien de son essence. Ils reste là, inerte. Non – apparent !